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Sénégal, adoption de la loi sur la Commission Sénégalaise des Droits de l’homme : l’augure du renforcement de l’état de droit et de la bonne gouvernance.

  • Webmaster
  • Le 7 octobre 2024

Il y a plus d’un demi-siècle, plus exactement 54 années, le Sénégal, dans un élan précurseur fondait un comité pour les droits de l’Homme. Comme pour inspirer le reste des Etats, depuis sa position géographique, le pays venait avec cet acte fort de poser un jalon essentiel de la création des Institutions Nationales des Droits de l’Homme, mécanisme de promotion et de protection des droits humains.

Dans un élan pionner, le Sénégal des années 70 prenait rendez-vous avec les droits humains pour renforcer sa démocratie et son corollaire, l’Etat de Droit. Ce développement faisait suite aux événements de Mai 68 et à la grève des étudiants et des centrales syndicales. Attentifs aux clameurs et aux aspirations de leur peuple, les pouvoirs publics répondirent favorablement aux manifestants en engageant un processus de participation plus inclusive à la gouvernance publique.  D’abord avec la création du poste de premier Ministre le 26 février 1970, par révision constitutionnelle, réduisant ainsi les pouvoirs du Président de la République. Par la suite et à travers le décret N° 70-453 du 22 avril 1970, l’élite des penseurs, intellectuels et jeunes cadres sénégalais se regroupent dans un laboratoire de réflexion stratégique pour inspirer la gouvernance publique qui sera dénommé, le Club Nation et Développement ainsi que le « fameux » Comité Sénégalais des Droits de l’Homme (CSDH).

Cette démarche de gouvernance inclusive et l’implication des penseurs et intellectuels dans la gouvernance indirecte, finira par consacrer l’exception démocratique sénégalaise par l’autorisation de création du premier parti d’opposition, du multipartisme limité puis du multipartisme sans restriction en 1974. Le club Nation et Développement inspirait les pouvoirs publics pendant que le Comité Sénégalais de son coté, veillait à la protection des droits de l’Homme.

La création du CSDH intervenait également comme une réponse à la communauté internationale et à l’invitation de l’ONU qui « à travers la résolution 9 du 21 juin 1946, invite à examiner l'opportunité de créer des groupes d'information ou des comités locaux des droits de l'homme devant collaborer au développement des activités de la commission des droits de l'homme puis par la résolution 772 B du 25 juillet 1960 ».

Les nations unies et le Sénégal ne seront suivis dans cette vision très avant-gardiste qu’en 1993, par les autres Etats qui au travers de l’Assemblée Générale adopteront sans vote, la résolution 48/134 du 20 décembre 1993 sur les « Principes de Paris ». Cela, à la suite du premier Colloque international sur les organes nationaux de promotion et de protection des droits de l’homme qui a eu lieu, à Paris en 1990 et qui sera suivi par l’adoption des recommandations de ce colloque par la Commission des droits de l’homme (d’alors) en mars 1992, et portant sur le rôle, la composition, le statut et le fonctionnement des institutions nationales des droits de l’homme.

Ainsi naissent les INDH qui « sont tenues à la fois de défendre les droits de la personne, et d’encourager le respect de ces droits », qui ont comme attribution de « fournir à titre consultatif au gouvernement, au parlement et à tout autre organe compétent, soit à la demande des autorités concernées, soit en usant de sa faculté d’auto-saisine, des avis, recommandations, propositions et rapports concernant toutes questions relatives à la protection et à la promotion des droits de l’homme ». La décennie qui va suivre sera marquée par une phase de création d’INDH dans plusieurs autres pays du monde. Puis, afin de crédibiliser ces INDH et de renforcer leur autonomie, la création en 1993 du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, connue depuis 2016 comme l’Alliance Mondiale des INDH chargée entre autres de veiller à l’autonomie des INDH par des phases d’accréditation avec des statuts accordés selon des critères bien définis.

Au Sénégal, dès 1997, le CSDH créé par décret, devient une institution à valeur législative avec la loi n° 97-04 du 10 mars 1997 relative au CSDH consacrant l’INDH en rehaussant sa légitimité juridique. Trois années plus tard l’institution obtiendra le statut ‘‘A’’ (le plus élevé dans la hiérarchie des statuts des INDH) avec son passage en accréditation auprès du Comité International de Coordination des Institutions Nationales de Droits de l’Homme.

Toutefois et malgré les prouesses démocratiques, avec l’alternance politique survenue en 2000, le CSDH perdait son statut ‘‘A’’ en 2012. L’insuffisance de ressources allouées au CSDH, le manque de transparence dans la désignation des membres et l’absence d’autonomie ont été les principaux facteurs de la rétrogradation du CSDH au statut ‘‘B’’. Débutent alors, 12 longues années de travail de révision des textes, d’attente, d’espoirs de déceptions, pour voir enfin l’Assemblée nationale voter à l’unanimité la loi 03/2024 relative à la commission nationale des droits de l’homme et portant création de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), remplaçant ainsi le Comité sénégalais des droits de l’homme (CSDH).

L’initiative du vote de cette loi, (adoptée en conseil des ministres par le précèdent gouvernent) portée par les nouveaux pouvoirs publics, quelques mois seulement après une nouvelle alternance démocratique et l’accession à la magistrature suprême d’un nouveau gouvernement est un fait majeur. Elle intervient sur fond de promesse de renforcement de l’État de droit et de la bonne gouvernance, par suite d’un contexte politique très chargé par des manifestations de jeunes, exprimant leurs aspirations, toutes choses qui semblent nous rappeler l’histoire d’un cycle de reformes prometteurs. Cela présage ainsi, indubitablement d’une ère nouvelle de redynamisation de la protection fondamentale des droits humains pour le Sénégal au plus grand bénéfice de son rayonnement international.

De plus, il ressort du rapport la commission nationale des droits de l’homme de l’Assemblée nationale, que dans son plaidoyer auprès cette commission, le Garde des sceaux dans son exposé des motifs  a indiqué que la réforme proposée introduirait les innovations majeures suivantes : « - le changement de dénomination de ‘‘Comité’’ à ‘‘Commission nationale’’ pour harmoniser avec la dénomination généralement employée pour les  institutions similaires sur le plan international, mais aussi lever tout équivoque quant au statut de l’institution car étant souvent perçue comme une organisation de la société civile avec l’appellation Comité ; - le changement de dénomination de ‘‘membre’’ à ‘‘commissaire’’ ; - la mise en place d’un processus transparent et pluraliste pour la désignation des membres ; - la nomination de commissaires à temps plein ; - le renforcement des garanties d’indépendance des commissaires ; - le renforcement des attributions de l’institution en matière de protection ; - le renforcement de l’autonomie financière, budgétaire et des moyens de l’institution. »

Alors que l’entrée en vigueur de cette réforme attend de voir l’élaboration du règlement intérieur de la future commission, ainsi que les décrets fixant les modalités de désignation du / de la Président(e), le Chef de l’Etat vient d’annoncer à l’occasion d’un entretien médiatique ; sa volonté de renforcer la lutte contre la corruption.  En effet, en plus de la création du Pool judiciaire financier, quatre nouvelles lois seront adoptées, par la future assemblée nationale et il s’agit :  d’une loi portant élargissement des assujettis à la Déclaration de patrimoine ; d’une loi portant protection des lanceurs d'alerte ; d’une loi portant modification et renforcement des pouvoirs de l'Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption - Ofnac ; et enfin de l’adoption du projet de loi portant accès à l'information, tant attendue depuis 2019. Les futurs parlementaires ont donc déjà beaucoup de travail à accomplir, essentiel au renforcement de l’état de droit et de la bonne gouvernance.

La mise en œuvre effective de ces dispositifs législatifs et le passage en examen de la CNDH en accréditation pour retrouver son statut A se présentent pour le Sénégal comme un nouvel envol et l’augure d’un espoir meilleur pour ses populations en faveur de la protection des droits humains dans un monde tenaillé par les menaces qui ont tendances à remettre en cause les acquis démocratiques.

Au nom du Bureau Régional pur l’Afrique de l’Ouest du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH-BRAO), je félicite donc le peuple sénégalais son Chef d’Etat et l’ensemble des acteurs qui contribuent à ces changements et je les encourage à poursuivre les efforts enclenchés. Le HCDH-BRAO sera toujours et résolument aux côtés du Sénégal pour offrir son assistance technique et ses services de plaidoyer en vue de consolider l’Etat de droit dont le Sénégal est devenu une référence et l’un des meilleurs élèves du continent.

M. Ayéda Robert Kotchani 
Représentant Régional du HCDH pour l’Afrique de l’Ouest

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